Dans ce dossier je vous propose de découvrir les mesures que j’ai relevées dans ma salle dédiée avec l’Epson EH-TW9300 après optimisation/calibration de ses modes SDR/REC709, SDR/REC2020 et HDR/REC2020.
C’est une comparaison directe des DeltaE 2000 entre les modes prédéfinis NATUREL et CINEMA et les calibrations/optimisations manuelles que j’ai réalisées.
Dans tous les cas, les prises de mesures se sont déroulées dans les conditions suivantes:
L’Epson EH-TW9300 a été évalué dans ma salle dédiée qui est totalement noire : murs avec tissu acoustique noir, sol avec moquette noire et plafond avec des dalles acoustiques noires. Les dimensions de ma salle sont les suivantes : 6.5m x 4m x 2.35m.
Les matériels et moyens utilisés étaient les suivants :
Pour comparer les calibrations, j’ai utilisé 1493 couleurs – dites de référence pour ce test. Ce sont les 1493 couleurs que je vérifie systématiquement pendant mes prestations de calibration.
Sachant qu’une couleur est la somme de 3 composantes, le rouge, le vert et le bleu, que chaque composante peut être codée numériquement sur 8 bits avec une valeur comprise entre 0 et 255 alors toutes les couleurs peuvent se représenter graphiquement dans un cube dont la structure principale est construite de la manière suivante:
Ci-dessous la représentation en 3D des couleurs utilisées pour vérifier les calibrations.
Pas de screenshot cette fois-ci, avec toutes mes excuses pour ceux qui auraient préféré qu’il y en ait.
Comme à mon habitude je vous propose la conclusion de mes analyses dès le début de l’article. La voici :
Pour avoir calibré et réglé plusieurs TW9200 (le modèle précédent), je sais combien il n’était pas évident de cadrer finement la position de l’image et d’en régler sa mise au point puisque tout devait se faire manuellement via des molettes pas forcément très pratiques et précises. Avec l’Epson EH-TW9300 l’objectif est désormais entièrement motorisé et l’ensemble de ses réglages peut se réaliser en quelques pressions de touches de la télécommande. C’est vraiment une évolution majeure par rapport au TW9200 d’autant plus qu’il est possible de mémoriser l’ensemble de ces paramètres via plusieurs mémoires, ce qui est très pratique si on a, tout comme moi, un écran qui permet de projeter soit au format 16/9ieme soit au format cinémascope 2.35. Le changement d’une position d’objectif vers une autre est plutôt précise et rapide.
Pour assurer le meilleur rendu possible avec le HDR, l’Epson EH-TW9300 est beaucoup plus lumineux que le TW9200, j’ai pu mesurer environ 100 cd/m² (nits), c’est autant (voire plus) qu’avec des projecteurs bien plus haut de gamme. Pour moduler finement cette réserve de puissance lumineuse, l’Epson EH-TW9300 dispose d’un iris manuel ainsi que de 2 modes différents d’alimentation de sa lampe UHP qui le rendent ainsi compatible avec tout type d’écran, pour des bases allant jusqu’à 3m en 16/9ieme et quel soit l’environnement (dédié ou pas).
J’ai pu tester l’Epson EH-TW9300 pendant 10 jours environ (sur mon écran blanc de référence) et je n’ai pas remarqué de problème rédhibitoire. Le système de ventilation a été amélioré mais il reste tout de même bruyant quand on utilise la lampe UHP dans son mode d’alimentation maximale (ceci étant le niveau de bruit reste acceptable ce qui n’était pas le cas forcément avec le TW9200).
Concernant son traitement vidéo, il est dans la veine de son grand frère le LS10000 avec -à mon goût- une meilleure gestion de la simulation 4K (le fameux procédé que l’on retrouve aussi sous le nom d’eshift pour les vidéo projecteurs de la marque JVC).
Les outils de calibration vidéo proposés par Epson n’ont toujours pas évolué et mériteraient vraiment d’être mis à jour. L’échelle de gris et le gamma restent difficiles à régler en SDR mais on y arrive. En HDR il n’y a pas vraiment de possibilité de réglages mais heureusement le mode par défaut est plutôt proche de la norme (sauf que le choix fait par Epson ne me semble pas judicieux pour gérer le HDR, j’explique pourquoi à la fin de ce dossier). Les couleurs primaires et secondaires quant à elles se règlent via le CMS (Color Management System) qui offre une précision et un degré de latitude acceptable.
Comme le montrent mes mesures, le taux de contraste séquentiel approche les 6500 : 1 en calibration SDR/REC709, 5300 : 1 en calibration SDR/REC2020 et à peine 2300:1 en HDR/REC2020.
L’espace de couleur REC2020 est plutôt bien géré et le gamut mapping réalisé par l’Epson EH-TW9300 reste relativement cohérent à l’image dès lors qu’on utilise le projecteur en SDR seulement. C’est donc en forçant la conversion HDR vers SDR (tone mapping) dans l’Epson EH-TW9300 que j’ai pu obtenir les meilleurs relevés et surtout le meilleur rendu à l’image avec les blu-ray 4K HDR. Avec son mode HDR engagé, le rendu n’est par contre pas du tout à la hauteur, malheureusement.
L’Epson EH-TW9300 est donc un très bon vidéo projecteur qui pourra apporter un grand moment de spectacle que ce soit avec un blu-ray 1080p ou avec le tout dernier format 4K HDR, je dirai que pour son prix de vente, qui se situe aux alentours de 3300 euros, c’est sans aucun doute le champion incontesté dans sa catégorie.
Ci-dessous vous trouverez des graphiques et des statistiques qui viennent étayer cette conclusion.
Le graphique ci-dessous représente le spectre lumineux mesuré à l’aide du spectromètre de référence CR-250RH. Sur la base de ces données, il a été établit une matrice de correction pour le colorimètre CR-100 afin que ce dernier soit parfaitement réglé pour évaluer et optimiser le vidéo projecteur.
Les mesures réalisées en mode REC709 l’ont été avec la lampe dans son mode ECO et les mesures réalisées en mode REC2020 l’ont été avec la lampe en mode HAUT.
Note : sauf mention contraire, les captures d’écrans pour les courbes sont toutes issues de mon outil d’analyse.
Le mode NATUREL permet d’obtenir un deltaE 2000 moyen de 2.0932 sur 1493 points de mesures, c’est assez bon (la recommandation étant d’être inférieur à la valeur 2.2). La calibration manuelle permet d’atteindre une moyenne à 1.2105, toujours sur 1493 points, c’est excellent.
Ci-dessous la comparaison du mode NATUREL et de la calibration REC709. Les barres -bleu et jaune- les plus en bas représentent la quantité de points dont le delta E 2000 vaut entre 0 et 1 exclu. Et ainsi de suite. L’axe des X est donc un nombre de point, l’axe des Y une fourchette de delta E 2000.
Une autre vue de la distribution des delta E 2000: la différence entre calibré et non calibré saute bien mieux aux yeux.
Le diagramme CIE permet d’avoir une bonne idée du comportement global du vidéo projecteur, avec entre autres, sa capacité à reproduire tout ou partie de l’espace couleur REC709 . En mode NATUREL c’est assez bon mais on constate que des mesures sur les axes bleu-jaune et vert-magenta s’éloignent de la norme, une calibration manuelle va permettre de corriger le tir en faisant quelques compromis. Les captures d’écran sont issues de l’interface graphique de LightSpace CMS.
A gauche, le CIE REC709 du mode NATUREL non calibré, à droite celui obtenu après calibration.
L’échelle de gris a été évaluée sur 98 points. Le mode NATUREL donne un deltaE 2000 moyen de 3.7616, ce qui est un peu trop (un deltaE 2000 de 2.2 est recommandé), la calibration manuelle donne 1.6407, c’est bien mieux et ça se ressent à l’image (meilleure profondeur de champs par exemple).
Le réglage de la luminance est une étape clé de la calibration car elle n’intervient pas seulement sur l’échelle de gris mais bel et bien dans la reproduction de toutes les couleurs du cube RVB. Pour REC709 elle est de la forme :
Luminance = stimuli 2.2.
La saturation n’entre pas en compte dans le calcul de la luminance, son réglage peut donc se faire via l’échelle de gris constitués par les points du cube à saturation nulle. Régler la luminance de l’échelle de gris revient à régler la luminance pour toutes les couleurs du cube RVB.
C’est donc le réglage de cette courbe qui détermine comment nous allons percevoir toutes les couleurs. C’est aussi ce réglage qui permet d’annuler ou réduire tous les artefacts que nos yeux savent détecter naturellement comme les aplats de couleur, les blanc brulés, les noirs bouchés, les remontés de pixels bleu dans les scènes sombres (bruit), etc.
Le taux de contraste ON/OFF dans le mode NATUREL atteint les [7039.4 : 1] avec des noirs bouchés, la calibration manuelle avec un bon travail sur les réglages OFFSET RVB permet d’obtenir [6433.7 : 1] sans jamais perdre aucun détail dans les scènes sombres.
Cette information est strictement équivalente à la luminance. Elle donne une représentation graphique de l’exposant utilisé pour le calcul de la courbe de luminance. Cet exposant qu’on appelle gamma devrait être constant et égale à 2.2 (la courbe horizontale rouge dans les courbes ci-dessous).
Le mode NATUREL permet d’atteindre un gamma moyen de 2.23 sur 98 points et 2.22 avec la calibration manuelle.
Les résultats obtenus sur 98 gris avec le mode NATUREL et la calibration manuelle sont respectivement:
La référence pour REC709 étant environ 6500K.
Les graphiques montrent la balance RVB sur 98 gris. L’idéal est d’avoir les 3 courbes R, V et B confondues et alignées sur l’axe des abscisses. Les captures d’écran sont issues de l’interface graphique de LightSpace CMS.
La balance RVB de l’échelle de gris du mode NATUREL est perfectible. Les outils mis à disposition par Epson sont assez limités et mériteraient d’être améliorés, la calibration manuelle améliore tout de même le rendu.
Cette section permet d’avoir une très bonne idée de la distribution en DeltaE 2000 pour la totalité des points mesurés, par saturations et pour toutes les valeurs de luminances utilisées pour créer les 1493 points de référence.
La comparaison du mode NATUREL avec la calibration : on voit clairement comment la calibration améliore le rendu général. Cela se ressent sur toutes les couleurs importantes comme les tons chair, le vert des forets, le bleu du ciel et de la mer.
Par exemple, pour le mode NATUREL:
Cette question doit vraiment être posée car à ce jour les spécifications pour HDR-REC2020 ne définient pas clairement comment le cas de la vidéo projection doit être abordé. Il faut donc tester les différentes combinaisons possibles et bien entendu choisir le meilleur rendu. L’Epson EH-TW9300 permet de tester toutes les combinaisons possibles et c’est vraiment un très gros avantages.
C’est avec le mode SDR forcé et avec le gamut mapping REC2020 activé que la lecture des blu-ray 4K HDR a donné le meilleur rendu. L’image reste globalement cohérente même si, à mon goût, elle n’est pas encore au niveau de celle qu’on peut obtenir avec un blu-ray SDR/REC709 une fois l’Epson EH-TW9300 correctement calibré.
C’est donc en SDR / REC2020 que je vous conseille de regarder les nouveaux blu-ray 4K HDR. A noter que les réglages de l’échelle de gris et du gamma pour la calibration SDR/REC709 décrite ci-dessus ont été conservés et que seuls les réglages des couleurs primaires et secondaires ont été retouchés afin de coller autant que faire se peut à l’espace couleur de référence REC2020 et associé à une gestion de luminance de type SDR gamma 2.2.
Ci-dessous le résultat de cette optimisation au regard du diagramme CIE. A gauche le mode CINEMA avant calibration, à droite après calibration. Vous pouvez imaginer comme il n’a pas été aisé de recoller au mieux à la norme.
A noter que le contraste séquentiel est passé de 6500 : 1 en calibration SDR/REC709 à 5300 : 1 en calibration SDR/REC2020 pour à chaque fois une même valeur du blanc à 100% qui se situait aux alentours de 50 cd/m² (nits). Le contraste séquentiel a ensuite chuté à 2300:1 en HDR/REC2020 avec une valeur de pic lumineux à environ 100 cd/m² (nits).
Pourquoi une telle chute de contraste séquentiel ?
En SDR, il m’ a fallu retoucher un peu les offsets RGB pour redonner un peu de pêche au noir qui étaient trop bouchés dans le mode CINEMA. Ceci ayant pour effet de légèrement relever le niveau de noir et donc de perdre rapidement 1200:1 de contraste. A l’image ce n’était pas trop gênant.
En HDR, et paradoxalement, c’est parce qu’Epson a respecté à la lettre la norme ST2084 que le contraste séquentiel s’est tant dégradé. Ci-dessous le relevé de la courbe de transfert EOTF ST2084 pour 100 nits mise en œuvre par l’Epson EH-TW9300 après que j’ai réglé comme il se doit le niveau de noir et le niveau de blanc:
Le relevé est réellement très bon. La courbe mesurée coïncide pratiquement en tout point avec la courbe théorique noire (qu’on distingue à peine du coup). Mais alors pourquoi le rendu n’est-il pas à la hauteur ?
Tout simplement car le HDR n’a pas été spécifié pour des valeurs de luminance à 100 nits (100 nits est d’ailleurs la valeur référence pour le SDR). Pour que le HDR fonctionne, je peux dire qu’avec l’expérience acquise jusqu’à présent, un minimum de 300 nits est requis. Sauf qu’une telle valeur de pic lumineux en vidéo projection c’est très difficile à atteindre, pour ne pas dire impossible.
Alors comment s’en sortir ?
Si ST2084 continue à rester le standard pour le blu-ray 4K HDR (et je pense que c’est bien parti pour), le seul moyen efficace à mon avis est d’appliquer un facteur multiplicateur (par 10 semble être le meilleur compromis)
Je vais tacher d’en parler avec Epson et ne manquerai pas de mettre à jour cet article si j’obtiens des réponses.
Merci à Alexandre Et performances-home-cinema.fr pour ce magnifique test.